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Invitation à traduire

Le prince Don Juan Manuel (1282-1348), fils de l’infant don Manuel, Adelantado mayor du royaume de Murcie, est connu pour avoir laissé plusieurs œuvres mêlant politique et spiritualité, composées en castillan dans les années 1325-1345, lors de sa retraite forcée sur ses terres et pendant, dit-il, ses longues insomnies. Il a dédié plusieurs de ses traités à Don Juan d’Aragon, archevêque de Tolède, chancelier de Castille, son beau-frère. Dans ses dédicaces, il s’excuse, lui qui est un noble laïc, de manquer d’instruction et d’écrire à la manière des "fabliellas". Aussi, si Don Juan, qui est un clerc lettré, juge ses œuvres dignes d’intérêt, il pourra les faire traduire en latin.

Prologue du Libro del cavallero et del escudero :

« Et si por aventura fallardes y alguna cosa de que uos paguedes, gradeçer lo he yo mucho a·Dios, ca so çierto que vos non pagariades de ninguna cosa que buena non fuesse. Et pues uos, que sodes clerigo et muy letrado, enviastes a·mi la muy buena et muy conplida et muy sancta obra que vos fiziestes en·el Pater Noster, por que lo transladasse de latin en romançe, envio vos yo, que so lego, que nunca aprendi nin ley ninguna sciencia, esta mi fabliella, por que si uos della pagardes, que·la fagades transladar de romançe en latin. » [c’est moi qui souligne]

Suit la première rubrique du traité :

« Comiença el libro que fizo don Iohan, fijo del muy noble infante don Manuel, et ha nonbre el Libro del cauallero et del escudero, et es conpuesto en una manera que dizen en Castiella fabliella, et envialo al infante don Johan, arçobispo de Toledo, et ruegal que tenga por bien de trasladar este dicho su libro de romançe en latin. » [1]

On ne sait si cette traduction a jamais vu le jour. Nous possédons le plus souvent le résultat du travail de traduction, c’est-à-dire le texte latin produit ; ici, nous avons l’idée de départ, la pensée qu’il serait bien de traduire un texte donné. Cet exemple nous permet donc de connaître quelles pouvaient être les motivations qui poussaient à traduire un texte vernaculaire en latin.

Christine Gadrat

Notes :

[1] Don Juan Manuel, Libro del cauallero et del escudero, dans Obras completas, éd. José Manuel Blecua, t. I, Madrid, 1982, p. 40-41. Sur l’œuvre de Juan Manuel, voir Béatrice Leroy, « Le prince écrivain politique, l’infant don Juan Manuel de Castille », dans Les princes et le pouvoir, Congrès de la SHMESP, Brest, 1990, Paris, 1993, p.91-105, rééd. dans ead., Hommes et milieux en Espagne médiévale : Navarrais et Castillans du XIIIe au XVe siècles, Biarritz, 2000, p.227-243 ; et ead., Des Castillans témoins de leur temps : la littérature politique des XIVe-XVe siècles, Limoges, 1995.


Liste de brèves


Docta interpretatio in latinum sermonem

Docta interpretatio in latinum sermonem "Traductions savantes vers le latin" : colloque organisé à l’ ENSSIB les 22 et 23 novembre 2013


Parution récente

Vient de paraître :
Traduire de vernaculaire en latin au Moyen Age et à la Renaissance. Méthodes et finalités. Études réunies par Françoise Fery-Hue, Paris, École des Chartes, 2013, 342 pages (Études et rencontres de l’École des chartes, 42). ISBN 978-2-35723-035-4 - Prix France : 32€


The Medieval Translator 2013

Consacré à la traduction au sens le plus large, le récent colloque du Medieval Translator à Louvain du 8 au 12 juillet 2013 :
The Medieval Translator 2013 / The Cardiff Conference on the Theory and Practice of Translation in the Middle Ages
"Translation and Authority - Authorities in Translation"
fournit de nouvelles contributions sur les traductions de vernaculaire en latin et sur l’apprentissage des langues vernaculaires à l’aide du latin


Une publication récente

Nikolaus Thurn, Neulatein und Volkssprachen. Beispiele für die Rezeption neusprachlicher Literatur durch die lateinische Dichtung Europas im 15.-16. Jh., München, Wilhelm Fink, 510 p. (Humanistische Bibliothek, Texte und Abhandlungen, 61).